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Guðrún

Guðrún

 

 

Le-gris--bleu--des-nuages 1531C2B

 

Brugge, mardi 13 août 2013. 14h56

 

 

 

 

Il pense à Guðrún.  

 

Guðrún a des yeux clairs, si clairs que jamais sur elle la nuit ne se pose, se dit-il entre deux coups de rame. 

Plutôt satisfait de cette phrase, il la répète, l'ancre dans sa mémoire pour la dire à Bárður, plus tard dans la journée, une fois qu'ils seront rentrés sur la terre ferme et qu'ils ne seront pas aussi collés aux autres qu'ici, dans la barque. Il fixe le dos de Pétur, entend Gvendur qui respire lentement, tel un géant paisible, derrière lui. 

Des yeux si clairs que jamais sur elle la nuit ne se pose, répète-t-il en lui-même et un vers du Paradis Perdu que Bárður lui a lu la veille au soir vient le rejoindre là-bas, sur la barque : nulle chose ne m’est plaisir, en dehors de toi.

Puis il se met à penser à sa poitrine. Il essaie de toutes ses forces de se concentrer plutôt sur la nuit, sur ses incertitudes, mais c’est en vain, sa tête s’emplit d’images et de mots. Au début la sensation est certes agréable, mais brusquement, elle ne l’est plus et il est mort de honte.  Jamais plus il ne pourra regarder Guðrún, c’en est fini, il l’a perdue.

 

Je devrais sauter par-dessus bord, là, tout de suite.

 nulle chose ne m’est plaisir, en dehors de toi. 

 

 

Entre Terre et Ciel, Jón Kalman Stefánsson