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Humus

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Vimy, Pas-de-Calais, Cote 145. 31 décembre 2012. 16h57



Toi, ces paroles, ces pas. Ce remuement de chair et de pensées dont l'obscurité va et vient dans la lumière. Tu circules, tu espères, et tu ne comprends rien à ce remue-ménage autour du silence qui gagne. Toi, cette vivante question qui cherche partout des réponses sans même savoir pourquoi elle est posée. Toi, ce rêve d'autre choses. Toi, ces mots tout le jour. Toi, ce silence guettant sa voix. Ce que tu ignores, cela est ton coeur. Et te voilà déjà, qui vieillis et qui te défais, sans avoir rien compris.
Vient un soir où tu te demandes ce qui te retient ici-bas. De quelle nature sont tes attaches. Et sur quoi reposent tes amours. Et quels mots encore pour ta voix? Près de quelle oreille murmurés? Cette peau, cette chair est-elle bien la tienne?
Toi quelqu'un, toi quiconque, toi toujours autre et qui t'obstines. Toi qui n'existes que de dire "tu". Toi que ton coeur malmène. 
En dépit de patients efforts, tu n'as pas trouvé où loger cette boule de désir et de sang qui fait comme elle peut son travail du matin jusqu'au soir dans sa cage de muscle et d'os. Toi ce paquet de vie qui veut savoir pourquoi.

Partir. Il te suffit parfois de partir un peu. Pour qu'entre ici et là-bas ton existence reprenne du volume et de l'influx. D'autres rougeurs sur ton visage. 
Tu pars à la rencontre de ces herbes ou de ces forêts, en toi profondément enfouies, que tu as traversées jadis dans une vie très ancienne. Tu t'orientes vers des images perdues. Des paysages dont l'échelle et les perspectives se sont brouillées depuis longtemps. Peut-être n'ont-ils jamais existé. Ou sous la forme de cheveux, de caresses, de parfums que tu recherches encore entre des bras aimés. C'est pourquoi tu prends des photographies. Tu cadres en grand les bords de mer et tu t'efforces d'en revenir à quelque idée ancienne de la douceur et de l'émoi. Tes propres souvenirs sont des terres inconnues. Comme la substance même de la vie. 

Et cette étrange intimité qui te recueille soir après soir dans des chambres quelconques, pareilles à toutes ces autres chambres, en toi, dont tu ne peux pousser la porte. 



 
L'instinct de ciel, Jean-Michel Maulpoix.
 Mercure de France