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regards
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Seul l'air.

Seul l'air.








Merlimont. 

L'air qui s'empare des lointains nous laisse vivants derrière lui.


Silence je vous prie

Désormais me laisser tranquille
désormais s'habituer à mon absence
Je vais fermer les yeux

Je ne veux que cinq choses
Cinq racines préférées

L'une est l'amour sans fin 

La seconde est voir l'automne
Je ne puis être sans que les feuilles 
volent et retournent à la terre

La troisième est le grave hiver
La pluie que j'ai aimé, la caresse
du feu dans le froid sylvestre

En quatrième lieu l'été
rond comme une pastèque

La cinquième chose, tes yeux Matilde mienne, 
bien aimée
Je ne veux pas dormir sans tes yeux
Je ne veux pas être sans ton regard
J'échange le printemps
pour que tu continues à me regarder

Amis voici ce que je veux
C'est presque rien et presque tout
Maintenant si vous le voulez partez

J'ai tant vécu qu'un jour
vous devrez m'oublier de force
En m'effaçant de l'ardoise : 
Mon coeur fut interminable

Mais si je réclame le silence
Ne croyez pas que je vais mourir.
C'est tout le contraire qui m'arrive
Il s'avère que je vais vivre

Il s'avère que je suis et continue

Il n'y a rien, si ce n'est qu'au dedans
de moi pousseront les céréales
D'abord les grains qui rompent
la terre pour voir la lumière

Mais la mère terre est obscure
Et au fond de moi je suis obscur : 
Je suis comme un puits dont les eaux
recueillent de la nuit les étoiles
pour qu'elle vaque seule à travers le champs

J'ai tant vécu c'est la question
Que je voudrais vivre à nouveau

Je ne me suis jamais senti aussi sonore, 
Je n'ai jamais eu autant de baisers

Maintenant comme toujours il est tôt
La lumière vole avec ses abeilles
Me laisser seul avec le jour
je demande la permission de naître. 

Pablo Neruda, Vaguedivague, 1958.